Exister
Transformer l'environnement. Le simple fait d'exister transforme l'environnement. Nous sommes de la matière, nous nous nourrissons de matière. Nous respirons et donc changeons l'air. Nous marchons, nous déplaçons et donc changeons la répartition des plantes, animaux, virus, bactéries, insectes, champignons. Nous écrasons inconsciemment telle herbe qui se coince dans nos orteils ou chaussures, et qui retombe plus loin. Nous nous transportons, certes, mais par là nous transportons aussi d'autres formes de vie immanquablement (même si on est très propre, et javelisé!). Donc même en dehors de ce qu'on ingère délibérément (manger), en dehors de ce qu'on plante et déplace délibérément, on ne peut éviter de transformer l'environnement. Il n'y a rien à faire, on n'y échappe pas. Même quand on meurt on va transformer l'environnement.
Culte
Le processus de mise en culture, même étymologiquement renvoi à une indistinction entre cultiver et vénérer une divinité, dieu. La naissance de la divinité coïncide avec la naissance de l'agriculture. Une séparation très marquée de l'homme de la nature a créée un vide, un gouffre, aussi un sentiment d'inutilité ou au contraire une toute puissance. Et cette plasticité du sentiment du pouvoir et du pouvoir lui-même, a provoqué une perte de repères et donc un besoin de canaliser en terme de bien et mal, en terme de sacré et profane, etc. C'est aussi la capacité énorme de l'outil couteau, de diviser certes, mais diviser positivement comme ce qu'on appelle partager, et aussi une dextérité, un recul du gâchis alimentaire, une avancée de l'accessibilité du comestible. Bien entendu, il amène aussi, en canalisant, la guerre, la violence, la plus grande possibilité pour l'individu de l'exclusion du groupe (par la menace, ou la mise à mort).
L'entièrté
Au plus un aliment est modifié au plus on ne comprend pas l'aliment. Les aliments proviennent tous d'êtres vivants. Mais quand nous achetons de la nourriture aujourd'hui nous ne le savons plus forcément. Le blé des pâtes est plus symbolique que réel dans les esprits de la plupart. Alors quand nous sommes confronté à l'aliment en son environnement, son lieu d'origine, dans son entièreté, nous sommes souvent choqués et déconcertés. De même la plupart sont habitués à manger de la viande sans penser qu'il y a des animaux entiers vivants avant. Il n'y a rien de nouveau dans cela, mais dans la séparation du consommateur et du producteur, du lieu de consommation du lieu de production, de l'aspect entier de l'aspect modifié et partiel. Beaucoup de problèmes de conception et de santé sont fort probablement liés à l'ultra sélection, l'ultra parcellisation des aliments, d'une "épure" trop grande et trop systématique. Exemple ne manger que des farines blanches de céréales, ne manger que des muscles maigres d'animaux, ne manger que la graisse de tel oléagineux, stériliser à très haute température le lait, éplucher tous les fruits et légumes, ne manger des fruits qu'en jus stérilisé et sans pulpe, ne manger que du sucre blanc extrait de betterave, etc.
Chargé de
Comme nous avons domestiqué quasiment tout de la nature, nous devons prendre en charge le travail de la nature, nous prenons des choix pour la nature et les êtres qui la composent, la composeront. Ainsi quand nous mangeons une pomme, devons nous aider la nature et planter toutes les graines qui s’y trouvent ? Nous avons le pouvoir de vie et de mort sur ces éléments. Ce que nous faisons nous le faisons en prenant sur les processus spontanés de la nature. Nous déplaçons la sélection naturelle vers une sélection humaine. Il n’empêche, faire une partie du devoir de la nature fait que nous devons réguler, tuer, améliorer, varier. Cela parait froid et vil, mais c’est juste reprendre le "travail de la nature" qui est elle plus intransigeante, implacable, sournoise que nous les humains.
Impression
Le processus de naissance de l’aliment est imprimé dans l’aliment, qui s’imprime à son tour dans l’humain, qui s’imprime alors dans ses pensées et ses paroles et ses actes. C’est pour cela que la culture des êtres que l’on mange nous permet de nous cultiver nous. Ainsi si l'on cultive/élève un être en vue de le manger tôt ou tard, nous le conditionnons déjà. Ensuite, ce que nous lui infligeons, par exemple une trop grande concentration, une monoculture, du stress, des injections de force de produits inadaptés, des coupes et des maltraitances s'impriment définitivement dans l'aliment. Alors aucune modification en cuisine ne pourra changer cela. Si un aliment est né sauvagement, spontanément il a sa propre impression, une très grande vigueur/vitalité, incomparable à tous ceux issues de culture. Tellement vigoureux qu'il peut être néfaste.
Outil
L'outil est ce qui distingue l'humain de l'animal. Il s'agit de trouver des utilisations multiples à des objets, voire de fabriquer des objets à des fins précises. L'outil est un intermédiaire entre l'humain et son environnement. Ainsi le couteau permet de réaliser une grande gamme d'actions qui avec les seules doigts seraient impossibles. Rappelons que culture viendrait du terme couteau. On a besoin du couteau pour sectionner des végétaux, ou des parties de végétaux, pareil pour les animaux, et champignons. Après le prélèvement il faut souvent la transformation, surtout aujourd'hui où ne pas couper et éplucher une courgette avant de la manger parait à beaucoup étrange. De même l'extrême importance des récipients, plats, gobelets, etc. Puis aussi des ustensiles de broyage et cuisson. Un outil amène d'autres utilisations, amène d'autres outils. L'humain n'a pas attendu l'invention du couteau pour se saisir des parties d'aliments dans son environnement. Mais son apparition et sa diffusion l'ont probablement généralisé et augmenté la fréquence son utilisation et donc le changement environnemental et alimentaire qui en découle.
Couverts
Les couverts sont d'une adoption généralisée récente dans l'histoire de l'humain. Beaucoup notamment en France utilisent la paire fourchette/couteau, l'un pour se saisir de l'aliment par le bout, l'autre pour le couper, le trancher à distance en plus petits morceaux. Il y a aussi la cuillère qui permet de se saisir d'un petit volume de liquide, et/ou de mélanger un liquide avec d'autres aliments/suppléments : exemple soupe, yaourt, huile, miel, café au sucre, etc. Beaucoup d'humains de l'Asie utilisent des baguette pour se saisir des aliments qui souvent sont déjà présentés de façon à ce qu'il n'y ait pas à couper ou modifier dans l'assiette les aliments. Cela correspond à la convention qui veut que l'on sépare la cuisine affaire de modification formelle des aliments, de la table qui est un moment de partage serein et nécessaire. Ainsi avec les baguettes on ne fait que saisir sans percer, sans trancher. Mais on mange aussi avec les mains et doigts directement, que ce soit l'aliment dans la main comme une pomme, un sandwich, du beurre d'arachide, etc. Les couverts mettent une distance entre l'aliment et soi, pour tempérer sa faim, ralentir le rythme, prendre son temps, limiter les contacts pas toujours sains entre doigts et aliments. Manger avec les doigts permet une proximité, une sorte d'intimité avec l'aliment, notamment thermique.
Diagnostique
L'éternel recommencement et l'impermanence. Tous les jours il y a des changements, et pourtant chaque jour est un recommencement. On a séparé l'alimentation de la médecine. Dans cet état l'alimentation serait normale et banale et concerne l'individu-même, et la médecine serait occasionnelle, en cas de problème et assurée par autrui que l'individu-même. Or, le mot diagnostique pourrait être compris autrement. Chacun fait son diagnostique sans forcément le savoir à chaque moment de sa vie. Car on peut se diagnostiquer sans attendre l'état dit de maladie. Ce n'est même pas à titre préventif, mais simplement parce qu'on ne peut pas faire autrement que diagnostiquer dans notre existence. Dia signifie "jour", gnose signifie "connaissance intuitive/directe". N'est-on pas chaque jour dans une connaissance directe lorsque l'on mange, boit, bouge, pense? Chaque aliment peut être l'occasion d'un diagnostic conscient et quasi total du corps et de l'esprit, car il apporte sa propre nature à nous, nous traverse et nous nous équilibrons à sa suite, avec lui. Mais faire de l'alimentation le centre de son occupation mentale est d'ordre obsessionnel.
Symbole
On n'a que très peu mangé des aliments pour eux-mêmes, mais toujours par faim ou par association spirituelle. La faim cherche à nous faire acquérir des nutriments, à nous satisfaire ensuite. Le but est avant tout de se remplir, de remplir ce besoin ou cette sensation de vide, d'arrêter cette faiblesse, quitter cet état de nécessité. L'association spirituelle c'est manger des aliments pour des vertus particulières : incorporer la force du taureau en en mangeant, la légèreté du fruit en le croquant, etc. De même quand on mange dans un restaurant, un lieu spécifique hors de chez nous, en des conditions particulières, via un groupe, des codes sociaux, nous ne mangeons pas les aliments pour eux-mêmes, mais tout ce qu'il y a autour, et tout ce que cet autour imprime spirituellement dans l'aliment. Nous mangeons les modifications (des aliments cuisinés et les présentations), des éléments de culture.
Extrait
L'utilisation de produits est ciblé. On boit une infusion de thym pour soulager la respiration par exemple, ou spécifiquement pour éveiller l'esprit. On prend un cachet de vitamine C pour soulager un état de fatigue. On prend des protéines en poudre pour entretenir un effort musculaire intense. Cela illustre la compartimentation de l'alimentation. L'aliment entier est réduit à un effet, et cet aliment peut se voir encore réduit à une substance particulière qui provoque l'effet voulu. Par exemple au lieu de prendre un citron, fruit connu pour son taux de vitamine C, on ne va prendre que sa vitamine C par des processus d'extraction, ou de synthèse, en laboratoire. Une part toujours plus importante de l'alimentation est fabriquée en laboratoire : les compléments alimentaires. Maintenant nous avons même des poudres sensées nous permettre de nous passer de manger des aliments entiers - bien que ces extraits proviennent en grande part d'aliment réel et entier par ailleurs. Les médicaments sont aussi des compléments alimentaires, mais sous le joug de lobbys pharmaceutiques mondiaux, et dont la distribution/administration est réservée à des élites médicales, et non des individus. Il y a eu un gros travail de dépréciation, dévalorisation, privation des produits de soins/remèdes naturels (traditionnels et libres) dans l'appréhension collective des populations.
Industrie & Logistique
L'industrie peut partir d'une idée généreuse, celle d'offrir à un plus grand nombre d'individus de quoi manger, et des saveurs, préparations que l'on ne connaîtrait pas forcément autrement. L'idée aussi est de libérer l'individu de trop de nécessités laborieuses liées à la terre et la nourriture. On propose un processus standardisé et systématisé pour utiliser des productions agricoles plus efficacement. Puis le processus censé aidé et l'individu et le producteur, devient centrale et impose ses idées avec largesse et zèle aussi bien à l'un qu'à l'autre. On veut grandir l'activité ou l'appliquer partout et à tout, et ce sans prendre en compte la cohérence locale et globale, mais dans une logique se prenant pour propre mesure. Ainsi l'industrie massifie la production, la radicalise, la contraint. L'industrie est obligée ensuite face à cette surproduction de trouver des moyens de conserver ces aliments, de ce fait le recours massif aux conservateurs, et aux aliments "inertes" qui occupent plus des 2/3 des surfaces de commerce alimentaire. Il faut pour protéger ces produits inertes des emballages, d'où le recours massifs au plastique et carton plein d'encre. La logistique parait bien sur le principe, on peut faire venir des aliments du monde entier, goûter à des saveurs exotiques (qui paraissent banales aujourd'hui comme le café par exemple). Mais par cela on se coupe du processus naturel, de l'écologie de l'aliment. On se coupe aussi des productions locales qui même si savoureuses et abondantes doivent s'arrêter car plus de débouché. Un européen peut manger des bananes et d'autres fruits exotiques toute l'année. C'est un désastre environnemental.
Cuisson
Le feu est une avancée majeure dans l'alimentation, elle permet d'attendrir les aliments et de faire ainsi un gain de dépense énergétique de la mastication et de la digestion ensuite. La mastication est un broyage répété des mâchoires accueillant les petits os appelés dents, aidé de la salive. Le feu est une externalisation de la mastication dentaire, et une externalisation du "feu digestif". Ces externalisation ne sont pas totales, mais apportent une augmentation de la disponibilité de quantité de nutriments, ainsi qu'une réaffections de cette énergie vers des activités plus évoluées que le manger seul. Une grande et longue mastication induit une diminution du développement possible de la cavité crânienne. A l'inverse, ne pas mâcher du tout et rendre les aliments trop mous systématiquement peut provoquer beaucoup de soucis de santé. Le feu aussi désinfecte les aliments, les épure de quantité de germes nocifs, les rends plus inoffensifs pour notre santé. Cependant, la cuisson ne se fait pas uniquement par l'exposition à une source de chaleur comme du bois, du charbon, du gaz, des résistances électriques, elle peut se faire par des changements chimiques autres, comme le changement de l'acidité (ex acidité du vinaigre, alcalinité de l'eau infusé au feuille de thé), et de fermentations comme on le voit pour la dite choucroute, ou la viande maturée, ou les dits sushis qui sont à la base du poisson fermenté dans du riz blanc cuit froid. Mettre du jus de citron sur un aliment change sa composition à vue d’œil souvent et quasi instantanément. C'est une forme de cuisson, tout comme le recours au feu, c'est à dire à une chaleur.
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